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Après la Libération, faisant écho aux termes employés par Chavant dans son message, les polémiques se développent sur le thème du Vercors sacrifié. Trois sortes d'accusation sont portées : |
Les premières sont d'ordre politique : le Vercors a été "trahi", par les
Alliés, par les services secrets d'Alger et de Londres, par De Gaulle, ou trahi
par les uns et par les autres, avec l'argument suprême, "qu'on avait peur
du peuple en armes".
C'est le Parti Communiste qui est le principal artisan,
mais pas le seul, de cette polémique. Peu impliqués dans le Vercors qui était
une émanation de militants socialistes (mouvement Franc-Tireur) et dans lequel
les FTP n'eurent pas leur place, les Communistes mettent du temps à réagir.
Mais dès la libération, puis en pleine guerre froide, les Communistes font du
sujet un des arguments majeurs de leur opposition aux gaullistes, sur le
thème de la trahison du Vercors, accusant pêle-mêle l'attentisme gaullien,
la haine du peuple et l'influence américaine. Ils utilisent toutes les
tribunes dont ils disposent : articles de presse, publications, meetings,
interventions à l'Assemblée Nationale, films et émissions de télévision,
allant jusqu'à organiser des contre commémorations.
L'exploitation politique dure au moins jusque dans les années 1970 avant de
s'atténuer sans toutefois disparaitre complètement.
Dès le départ, l'Association des Pionniers du Vercors prend position pour
se tenir à l'écart de la polémique en réaffirmant que son seul rôle est
de conserver et défendre la mémoire des combattants du Vercors.
En définitive, selon Robert Aron dans son Histoire de la Libération, les
accusations ne manquent pas de fondement, mais les responsabilités sont partagées.
D'une part, du fait d'un manque de liaison certain entre les services de renseignement
et les états-majors français de Londres et d'Alger, d'autre part, en raison des
intrigues politiques incontestables à l'intérieur du Gouvernement Provisoire de la
République Française à Alger, notamment vis-à-vis des Communistes. De plus,
la confiance des Alliés dans l'efficacité des maquis est restreinte à l'époque et
cela explique leur réticence à leur accorder trop de moyens.
D'autres reproches touchent aux conceptions tactiques des chefs militaires
du Vercors. Ils ont commis, dit-on, une erreur fondamentale en voulant
constituer un front et mener une guerre de position. Ils auraient dû livrer
un combat de partisans, mobiles, insaisissables et ont été incapables
de s'adapter aux conditions de la lutte dans le maquis. Les critiques
ont été parfois très violentes et les chefs militaires ont dû s'en défendre.
Voyons ce qu'en dit le général Costa de Beauregard, à l'époque commandant du Vercors nord :
« Jusqu'au dernier jour, le commandement civil et militaire du Vercors a
considéré comme impérative la mission de conserver une vaste zone de parachutage
sur le plateau, "malentendu" qui avait été confirmé au début de juin au chef
civil du Vercors. . D'autre part, la population dans son ensemble s'était
compromise à nos côtés, et tout "abandon" de notre part aurait eu des conséquences
tellement fâcheuses qu'il était pratiquement impensable. C'est pour ces deux
raisons que le commandement du Vercors, tout en espérant jusqu'au dernier moment
une aide extérieure, a accepté d'engager le combat, dans des conditions qui ne
laissaient que peu de doutes sur son issue prévisible. »
Les responsables militaires ont agi en accord complet avec les civils. Ils n'avaient
pas vraiment le choix. Ils auraient préféré mener un autre combat, mais, compte tenu
du contexte, ils ont fait au mieux.
« L'affirmation - qui a la vie dure - des erreurs supposées du commandement
militaire est le type même de critique a posteriori ou "décontextualisée". » (F. Broche)
Enfin, l'idée stratégique elle-même fait l'objet de la troisième série de reproches :
certains mettent en cause l'utopie du plan Montagnards qui impliquait une coopération
étroite entre la Résistance, la France libre et les Alliés difficile à réaliser.
D'autres estiment que l'erreur fondamentale fut de mobiliser trop tôt le Vercors,
donnant aux Allemands le temps d'intervenir.
On conteste l'impact stratégique des combats du Vercors sur l'ensemble des opérations
en cours ou projetées et l'aide apportée au débarquement de Normandie. Au moment de la
bataille du Vercors, les combats font rage en Normandie où les Alliés n'ont toujours
pas percé. Cela n'empêche pas les Allemands de mettre sur pied une opération d'envergure,
mettant en jeu plusieurs milliers d'hommes, leurs appuis et des moyens aériens pour
réduire le Vercors. Mais cela est leur dernière occa-sion. Les autres maquis des Alpes
intensifient leur action et les Allemands ne peuvent éteindre tous les incendies. Le
climat d'insécurité qui s'installe pour eux aura pour conséquence l'effondrement allemand
lors du débarquement de Provence et les Alliés libéreront Grenoble et Lyon avec plusieurs
mois d'avance sur les prévisions. Les sacrifices du Vercors ont ainsi contribué largement
à ce résultat.