Donnons la parole au général Le Ray : « Si la bataille du Vercors est
souvent aujourd'hui présentée comme un drame, c'est que l'adversaire,
foulant au pied les lois de la guerre et le droit des gens, a massacré
presqu'autant d'innocents que de soldats en armes. »
Refusant de parler du « drame » du Vercors, il préfère utiliser le terme
« bataille » du Vercors : « Il ne faut pas accepter que le souvenir de ces
horreurs relègue dans le silence le capital d'honneur et l'apport précieux
à la bataille d'ensemble, dont les combattants du Vercors ont le droit
de s'enorgueillir ».
Ce « capital d'honneur » est sans doute ce
qui d'emblée est apparu comme le plus important.
Le rôle joué par les officiers, de toutes origines, dans la préparation et dans les combats du Vercors a été primordial, n'en déplaise à certains détracteurs. Dominées par celle du général Delestraint, de belles figures d'officiers ont émergé, dignes d'être données en exemple aux futurs officiers : Pourchier, Le Ray, Geyer, Costa de Beauregard, Huet, Chabal, Prévost, Tanant, pour ne citer que les plus connus.
Voici ce que dit Dalloz de ceux d'entre eux, disparus en déportation :
« Héros, ils furent par leur fidélité, par l'indépendance de leur jugement,
par la fermeté de leur détermination, dont ils surent accepter, sans la
moindre illusion, les conséquences. Conservons leur mémoire. Nous y trouverons
force dans nos moments d'épreuve et de doute. »
L'accusation souvent portée contre les officiers, d'avoir attendu la
dissolution de l'armée de l'armistice pour s'engager, est injuste et
mensongère. Ces officiers étaient, dès la défaite de 1940, animés du plus
pur esprit de revanche. Ils n'ont pas hésité à s'engager, dès l'armée
d'armistice et déjà clandestinement pour certains. Dès qu'ils l'ont pu,
libérés de leurs obligations, ils ont plongé dans l'action clandestine,
sans attendre de voir où tournait le vent.
Enfin, il ne faut pas
oublier non plus, bien qu'il existe beaucoup moins d'informations et
de statistiques à leur sujet, les nombreux sous-officiers qui se sont
engagés eux-aussi, naturellement, et ont constitué l'encadrement de base des maquis
Il faut souligner la symbiose qui a régné entre les responsables civils et
les responsables militaires. Malgré leurs cultures et leurs opinions politiques
différentes, ils ont su agir pour leur idéal commun d'amour de leur pays,
sans arrière-pensée politique tant qu'a duré le maquis. Lors des combats,
les civils se sont naturellement rangés derrière les militaires.
Il est tout à fait remarquable que, de tout cet ensemble disparate de
combattants, certains sans aucune formation militaire, ayant des opinions
politiques souvent très marquées et parfois plutôt révolutionnaires, les
cadres officiers et sous-officiers ont su faire des soldats qui se sont
battus avec courage, discipline et souvent efficacité, malgré leur armement
dérisoire, face à un adversaire entrainé et redoutable.
Le général Le Ray l'exprime en ces termes : « Les Francs-Tireurs surent
bien vite que les officiers venus vers eux n'étaient point des esprits
d'imprégnation réactionnaire, mais des hommes en révolte contre l'esclavage.
Les militaires, de leur côté, découvrirent bientôt chez leurs camarades
la marque réconfortante du désintéressement et de la pureté d'intention.
Ces courants devaient bientôt confluer dans un même enthousiasme. »
Concluons avec Pierre Tanant : « Sur ce vaste plateau, des Français de toutes
origines et de toutes opinions ont su se grouper et s'unir, avec la seule ambition
d'échapper à la servitude.
Tant de sang versé a fait de ces montagnes une terre sacrée, une terre qui doit
être maintenant respectée comme un sanctuaire où le flambeau de notre liberté
a été rallumé, comme l'un des berceaux de la Renaissance française.»
La valeur du symbole porté par les quelques huit cents victimes du Vercors, dont
plus de six cents les armes à la main, et les chefs qui les ont menés au combat,
méritait bien qu'une promotion de Saint-Cyr porte le nom de "Vercors".