Le drame du
Vercors - 2


our toutes ces raisons, les défenseurs du Vercors avaient bon moral. Ils proclamèrent la république le 3 juillet. C'est Eugène Chavant, dit « Clément », le chef civil du Vercors, qui eut cette idée. Sur les murs des fermes du plateau, il fit placarder une affiche annonçant :

Habitants du Vercors, c'est chez vous que la Grande République vient de renaître. Vous pouvez en être fiers.

De fait, ce maquis du Vercors c'était à des socialistes qu'il devait le jour. L'un d'eux se nommait Aimé Pupin. Il possédait, derrière la gare marchandises de Grenoble, le petit « café de la Rotonde ». C'est là que l'idée était née, un soir du mois d'août 1941.

Autour de Pupin, quatre hommes étaient assis : un employé des chemins de fer, Paul Deshières, un garagiste, Eugène Ferafiat, un autre cafetier, Eugène Chavant, et un pharmacien, Léon Martin, ancien maire de Grenoble, révoqué par Vichy, ancien député de l'Isère, un des quatre-vingts parlementaires à avoir voté contre Pétain.

Ce sont ces cinq hommes qui les premiers eurent l'idée d'utiliser le Vercors pour y cacher des résistants.

Encore cette vocation du plateau ne s'affirma-t-elle vraiment qu'après février 1943, quand de nombreux jeunes gens préférèrent prendre le maquis que répondre à la convocation du Service du travail obligatoire et partir pour l'Allemagne. On vit alors se multiplier les camps, dont le premier, le camp d'Ambel, créé à la fin de l'année précédente.

À Lyon, le Vercors avait trouvé plusieurs de ses chefs. C'est de là qu'était parti, au lendemain de l'invasion de la zone Sud, en novembre 1942, le lieutenant de cuirassiers Narcisse Geyer qui, un beau matin, était arrivé dans le Vercors avec son cheval et ses gants blancs.

De Lyon était sorti également le capitaine René Bousquet, un artilleur plein d'entrain qu'on allait retrouver sur le plateau dauphinois, malheureusement sans mortiers ni canons de montagne. De Lyon était venu aussi le commandant Marcel Descour, qui était maintenant chef d'état-major de la région R. 1, c'est-à-dire de la région sud-est delà France, où le pouvoir, depuis l'arrestation d'Albert Chambonnet, était confié à Alban Vistel.

Village de Vassieux

... Ce matin du 21 juillet 1944, à son poste de commandement de Saint-Martin-en-Vercors, Huet reçoit l'un après l'autre des messages apportés par des estafettes hors d'haleine. Très rapidement, il se rend compte de la menace : les Allemands s'incrustent à Vassieux; ils peuvent y recevoir des renforts par voie aérienne ; lui n'en a plus la possibilité ; son seul aérodrome est occupé, avant même d'être prêt...

Avec le jeune capitaine Pierre Tanant, son chef d'état-major, Huet contemple son tableau d'effectifs. La tentation est grande de dégarnir les « lignes » démesurément étirées sur le pourtour du massif. Le colonel n'a-t-il pas sous ses ordres quelques quatre mille hommes ? 3 909 très exactement, selon un registre conservé par les Pionniers du Vercors, dont 169 officiers et 317 sous-officiers.

Huet

Pour le moment, Huet jouit d'une supériorité numérique considérable. Les S.S. ne sont encore que quatre cents. Mais il ne dispose d'aucune réserve opérationnelle. Ses troupes sont disséminées autour du plateau dont elles gardent les passages essentiels. Voudrait-il d'ailleurs constituer une masse de manoeuvre qu'il n'aurait pas les moyens matériels de la transporter rapidement à pied d'oeuvre. Son train des équipages se réduit à peu de chose... D'ailleurs ce n'est pas le moment de dégarnir le «chemin de ronde» du Vercors : voici que se confirme en effet l'impression que Huet avait, depuis deux jours au moins : c'est une offensive générale que les Allemands viennent de déclencher contre le Vercors. L'attaque aéroportée sur Vassieux n'est qu'un des coups dirigés contre le plateau. Le plus audacieux, assurément, le plus dangereux aussi, puisqu'il atteint le coeur du dispositif. Mais d'autres assauts ne vont pas tarder.

Effectivement, à l'heure où les S.S. atterrissaient au centre même du plateau, d'autres unités, sur son pourtour, sont entrées en action. Quatre bataillons de la 157e division de réserve, deux batteries d'artillerie de montagne, une partie de la 9e Panzerdivision, trois bataillons d'unités de l'Est - couramment appelées les « Mongols » - une partie du régiment de sécurité 200 et du régiment de police 19, 200 hommes de la Feldgendarmerie, des unités d'alerte et l'escadre de combat 200.

L'investissement du Vercors a commencé une semaine avant l'assaut, le 14 juillet, alors que les maquisards défilaient drapeau en tête, à Saint-Martin. Ce jour-là, tandis que les sections d'infanterie allemandes prenaient position tout autour du massif, les Alliés y lâchaient, suspendu à des parachutes bleus, blancs et rouges, le plus gros envoi d'armes et de munitions jamais largué en Dauphiné. Dans la soirée, l'aviation allemande, alertée par cette provocante opération aérienne, effectuée, à leur barbe, en plein jour, a réagi en envoyant ses bombardiers Heinckel attaquer Vassieux et La Chapelle-en-Vercors.

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