Le drame du
Vercors - 6


st-il encore temps de le faire ? C'est peu probable. Du moins peut-on essayer d'obtenir les bombardements nécessaires, les parachutages d'armes indispensables, les renforts expressément promis à Chavant. Constans s'y emploie. Cochet multiplie les démarches. Fernand Grenier, commissaire à l'Air, cherche à rassembler les avions français nécessaires à une intervention massive dans le Vercors.

Mais les uns et les autres doivent d'abord convaincre les chefs militaires alliés, qui sont absorbés par la préparation du débarquement en Provence. Pour eux, tous les autres problèmes passent désormais au second plan. Même la poursuite de la campagne d'Italie a perdu de son importance.

Comment peut-on espérer les intéresser au sort d'un maquis français, perdu dans le massif alpin ? II faudrait infléchir la lourde, la lente, l'énorme machine de guerre alliée.

Le seul résultat tangible sera le bombardement de l'aérodrome de Chabeuil. Mais il aura lieu le 24 juillet seulement, le lendemain de l'effondrement de la résistance organisée dans Le Vercors, et les Marauder français manqueront leur objectif !

Furieux de cette lenteur des états-majors et des services, Fernand Grenier le dit brutalement, dans une conférence de presse, le 27 juillet :
- L'aviation française a apporté sur le champ de bataille le maximum de nos ressources, sauf sur le front intérieur, car malgré mes efforts, je n'ai pu vaincre l'attentisme, véritable crime contre la patrie.

Le commissaire à l'Air se fait vertement rappeler à l'ordre par le général de Gaulle qui se séparera de lui peu après la libération de la France, pour le remplacer par un autre ministre communiste.

Pendant ce temps, dans le Vercors, les Allemands appliquent minutieusement les instructions qui leur ont été données avant l'attaque par le général Pflaum :
Arrêter les hommes de dix-sept à trente ans qui n'ont jamais appartenu à la Résistance et qui ne l'ont jamais soutenue. Brûler les maisons, qui sans contestation possible, ont servi d'abri ou de dépôt aux terroristes. Ce sont en général les écoles, les mairies, des hangars. Pour empêcher la Résistance de se fixer de nouveau dans le Vercors, on ne laissera dans les fermes que le minimum de bétail indispensable à la nourriture de la population autochtone.

Le Vercors n'est plus qu'un amas de ruines: 200 morts chez les civils plus de 600 parmi les maquisards

Mais les Allemands n'en restent pas là. À Vassieux, les S.S. massacrent systématiquement toute la population civile, avec une bestialité affreuse. À La Chapelle-en-Vercors, ils fusillent seize hommes, malgré les interventions pressantes du curé. Partout, des civils tombent sous les balles. Partout aussi les maquisards qui tentent de s'échapper du massif sont tirés comme des lapins par les sentinelles postées au débouché des routes et des sentiers. L'écrivain Jean Prévost meurt de cette façon, non loin de Sassenage.

Mais le crime le plus inexpiable est commis à la grotte de La Luire où le service de santé du Vercors a regroupé tous les blessés de l'hôpital, espérant qu'ils y seront à l'abri. Les Allemands, ayant découvert cette retraite, massacrent sur place les blessés intransportables.

Les autres, avec les infirmières, les médecins et l'aumônier, le père Yves de Montcheuil, sont emmenés à Grenoble. Les uns seront envoyés en déportation en Allemagne les autres fusillés au polygone, peu de temps avant la Libération.

Quand cessent enfin le claquement des coups de fusil et le crépitement des mitraillettes, 840 Français, militaires et civils, ont payé de leur vie leur volonté de vivre libres.

Le maquis du Vercors n'est plus une menace sur le flanc des armées allemandes. A Grenoble, le général Pflaum se frotte les mains. Apparemment, sa victoire est totale.

Mais, un mois plus tard, les survivants des combats de juillet reparaissent, par petits groupes, pour prendre part à la libération de Grenoble, de Romans, de Lyon et poursuivre dans les rangs de la lère armée, la course au Rhin et au Danube.

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