Le drame du
Vercors


ilain temps pour un 21 juillet...

Le vent d'ouest charrie de gros nuages sombres. Sous son manteau de (sapins noirs, la montagne prend un air sinistre. La pluie menace. Mais les hommes qui travaillent dans les champs, à quelque distance du village de Vassieux, ne prennent pas le temps de lever le nez pour observer le ciel. Ils ont hâte d'achever la tâche qu'ils ont commencée il y a plusieurs jours déjà. Une tâche qui n'a rien à voir avec les travaux agricoles : ils préparent une piste d'atterrissage. Ces cantonniers pressés sont quelques-uns des quatre mille maquisards du Vercors. Au cour du plateau, il y a cette cuvette de Vassieux, qui semble faite tout exprès pour accueillir les avions alliés.

Cet aérodrome de fortune a reçu le nom de code de « Taille-crayon ». Son importance est si grande, dans les plans des Alliés - du moins les responsables du Vercors le croient-ils - qu'une équipe a été spécialement envoyée d'Alger pour apporter une aide technique, aux ordres du capitaine Tournissa. Elle a été parachutée en ces lieux dans la nuit du 6 au 7 juillet.

Comment, sur le plateau, tout le monde ne serait-il pas persuadé que les renforts aéroportés, si souvent promis, ne vont plus tarder à tomber du ciel ?

Le surlendemain de son arrivée, Tournissa a pu envoyer un message radio à Alger pour indiquer que le terrain de 1 000 mètres de long se prêterait à l'utilisation d'appareils Hudson. Alger a répondu qu'il n'y en avait pas de disponibles. Des Dakota, lui a-t-on dit, assureront la livraison du matériel et des armes.

Les hommes relèvent la tête et regardent le ciel. « Peut-être que ce sont les Alliés », pensent-ils tous.
Soudain, perçant le plafond bas, apparaissent des avions. Une vingtaine au total. Chacun d'entre eux remorque un planeur. Tout à coup, quelqu'un crie :

Déjà les planeurs se sont détachés. Ils fonçent droit vers le sol, en mitraillant le terrain. Les maquisards se dispersent en courant. La plupart n'ont pas d'armes, bien sûr. Ils sont venus là pour travailler, non pour se battre. Il n'y a pas de D.C.A. pour protéger la piste. Tout au plus quelques mitrailleuses.

Insigne FFI

Le caporal-chef aviateur Victor Vermorel, dit « Tito », se précipite sur l'une d'elles. Il ajuste un planeur dans son collimateur et parvient à tuer ou blesser le pilote. Il vise aussitôt un autre appareil et se remet à tirer. Une balle lui traverse l'épaule. Saisissant une mitraillette, il continue à faire feu, jusqu'au moment où, complètement épuisé, il se traîne jusqu'à une ferme.

Le jeune Jacques Descours, surnommé « la Flèche », s'est lui aussi jeté sur une mitrailleuse. A longues rafales, il tire sur les planeurs. Touché à mort, il s'écroule.

Cette résistance sporadique n'a pas empêché les Allemands d'exécuter leur plan. Un seul des vingt planeurs s'est écrasé à l'atterrissage. Les autres se posent avec un minimum de casse, bien qu'il s'agisse de frêles machines, constituées d'une armature en duralumin, recouverte de contreplaqué et de toile.
De ces carlingues rudimentaires jaillissent, l'arme au poing, des S.S. casqués. Ils sont quatre cents environ, qui arrivent de Strasbourg.

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